Derrière Night Beds se cache Winston Yellen, 23 ans. Un talent de compositeur incroyable, et une voix qui est une arme singulière, capable de toutes les prouesses poignantes. Leur premier album Country Sleep, est un 10 titres qui est sorti chez Dead Oceans /[Pias] le 4 février dernier.
Country Sleep s’ouvre sur une invitation douce, presque a capella, Faithful Heights, qui offre un frisson des plus infinis. Une voix saisissante et une inclinaison pour les routes en biais, habituellement laissées de côté, Winston Yellen possède l’art du récit et le savoir conter dangereux.
La douceur qui s’en dégage, ne masque pas l’urgence qui se ressent dans cet album comme sur Ramona, baignés de lumières, de feux de croisement opaques que l’on regarde du coin de l’œil dans le rétro, s’interrogeant sur les lendemains comme sur le passé.
La voix de Winston est émouvante, elle vous transperce et vous berce, amenant les rêveries d’un soir ou les nostalgies du petit matin. Là comme une marionnette, l’intuitif et la torpeur vous envahissent.
Admirablement bien construit, flirtant avec une mélancolie non totalement désespérée, l’album semble être un moment de quiétude traversé par l’ombre des inquiétudes et les doutes que l’on possèdent tous à un moment ou à un autre. Lui, en fait une route de complaintes rebondissantes sur un étroite ligne de vie qui s’étend à l’infini.
Ce disque née dans des circonstances tristes qui auraient pu être totalement destructrices est la force de Winston Yellen. Lui reconstruit avec ce matériau brut, offrant pudiquement ses pensées en mélodies où la respiration est une étreinte laissée libre de s’y conjuguer, sans limites. La voix magnifique habite l’espoir et les harmonies, déchirantes, sont nombreuses sur cet album.
Winston donne de l’espace à ses mélodies et ses harmonies enchanteresses n’en sont que plus fortes. Première œuvre d’un poète nomade, elle est émouvante, euphorique à souhait, une respiration de braise…insaisissable.
L’itinéraire choisi par Night Beds traverse des paysages différents, allumant des feux de joie et affronte des obstacles divers, sans jamais se perdre, toujours en tissant un fil tenu et beau. Semant des pierres du souvenir, le chemin est pavé de prières touchantes comme We Were Afraid, tandis que 22 aux harmonies de guitares douces permet une évasion rêveuse.
Troublante indie rock, à la folk limpide cabrée sous le poids du messager sauvage, les complaintes sont solides, les mélodies irrésistibles. Lorsque de sa voix, il domine tout, sa supplique appelle aux déraisons et aux sentiments les plus fougueux comme sur Borrowed Time.
Au coin des nuages, au pied du monde, il livre son histoire, chevauchant de sa voix l’âme qu’il embrasse, la séduction douce et le désir précis comme sur Cherry Blossoms.
Jamais tapageur, toujours dans la retenue et la construction suave, il emboîte subtilement ses visions du monde et mène de sa voix sa barque majestueuse, déroulant des panoramas inconnus et des angles de visions singulièrement obscures.
Dans la lignée d’une folk talentueuse et farouchement libre, un peu Bon Iverien, un peu FleetFloxien, il sait user de minimalisme et de dépouillement savant pour mettre en évidence ses sons grâcieux et ardents comme sur Even If I Try.
Alors la fragilité affronte la rugosité, dans un combat qui semblerait perdu d’avance, où les deux trouvent leur place et se font face dans une étreinte violemment captivante. Dévastateur, son souffle est une renaissance au gré des saisons comme sur Wanted You In August, ou Lost Springs agrippant des vagues de désir lumineuses.
Rêveur sur des mélodies infinies, la souffrance inspiratrice est captivante et devient une obsession salvatrice. Magnétique comme sur Was I For You ou le magnifique Tenn, il laisse un manque instinctif et immédiat, quand la mélodie se termine, vous laissant au dépourvu.
Désarmant, il fait sienne cette phrase de Kobayashi Issa : « Nous marchons en ce monde sur le toit de l’enfer en regardant les fleurs »